La cathédrale
La cathédrale protestante Saint-Pierre est, depuis 1535, l’église protestante principale de Genève. Auparavant, elle fut pendant mille ans, dès la fin du IVe siècle, l’église cathédrale de l’évêque catholique de Genève.
À travers les siècles, la cathédrale a été toutefois davantage qu’un lieu de culte, elle est aussi un « temple civique » où se tient l’assermentation du gouvernement cantonal.
Depuis juillet 2009, la cathédrale est inscrite dans la liste d’honneur « du patrimoine européen » en raison de son importante valeur historico-culturelle pour l’histoire européenne.
Historique
La première cathédrale, appelée « cathédrale nord » par les archéologues, remonte à la fin du IVe siècle (350-375). Elle est intégrée dans un ensemble qui comprend en outre un baptistère et une église, des édifices d’habitation et d’administration pour l’évêque qui est l’homme le plus important de la cité.
Aux alentours de 380, cette cathédrale mesure 32 mètres (105 pieds) de longueur par 15 mètres (49 pieds) de largeur. Elle se dresse sur les fondations du grand bâtiment résidentiel dont les axes ne se coupent pas à angle droit, ce qui explique la tenue légèrement en biais de l’église. Elle ne possède qu’une entrée latérale précédée d’un vestibule. La nef est séparée en deux par une légère barrière dans le but de créer une scission entre les fidèles privilégiées et les autres, le choeur est également séparé de la nef par une barrière.
En 390, l’évêque fait construire une nouvelle cathédrale au sud. Le baptistère est alors déplacé pour l’harmonie de l’ensemble. Entre les trois bâtiments se loge un atrium permettant de circuler d’une cathédrale à l’autre. Cette cathédrale est construite en tant qu’église secondaire et est destinée aux enseignements religieux et aux lectures de textes sacrés. Elle mesure approximativement la taille de sa jumelle et son architecture paraît plus soignée. La nef, dotée de deux rangées de colonnes, est à nouveau séparée en deux, délimitant ainsi les zones entre les deux classes de fidèles. Le choeur, quant à lui, est totalement interdit aux laïcs par un mur.
En 443, l’augmentation du nombre de moines pousse l’évêque à faire agrandir le choeur de la cathédrale nord de 11 mètres (36 pieds).
En 500 et 501, l’incendie provoqué à Genève par la guerre fratricide opposant Gondebaud à Godégisile, cause de sérieux dégâts aux bâtiments. Les frères s’allient pour la reconstruction de la ville et apportent des modifications à certains bâtiments. En 513-514, Sigismond, fils de Gondebaud, reconstruit la cathédrale nord et demande au pape Symnaque des reliques de saint Pierre.
De 550 à 600, le choeur de la cathédrale nord-est entièrement reconstruit. L’abside est rebâtie et les annexes latérales sont associées au chœur pour former un transept à croisée. Un baptistère est aménagé près du choeur de la cathédrale nord à la fin du VIe siècle.
La reconstruction de la cathédrale sud nécessite le démantèlement de plusieurs édifices, car l’emplacement privilégié est très dense et les terrains difficiles à trouver. Le caractère architectural de cette troisième cathédrale varie beaucoup des édifices antérieurs. Cependant, son abside monumentale ressemble fortement à celle de la cathédrale nord, elle aussi dotée de contreforts. Au début de la construction, des piliers carrés, bâtis sur une solide maçonnerie formant un chaînage horizontal et séparant la cathédrale en trois nefs, supportent les grandes arcades de la cathédrale. Le chœur, légèrement surélevé par rapport aux nefs, est accessible à travers deux portiques latéraux et fermé par une barrière.
Au IXe et Xe siècles, la troisième cathédrale est agrandie par-dessus les baptistères et, vers l’an 1000, l’ensemble du groupe épiscopal est à nouveau réorganisé et restauré. Les changements viennent sans doute d’une envie d’unifier le complexe architectural à travers un seul et unique bâtiment. Tout commence avec le prolongement à l’est du plan à trois nefs par de très puissantes fondations et une crypte voit le jour. Le plan de ce deuxième chœur indépendant s’inspire sans doute de la célèbre crypte du monastère Saint-Bénigne de Dijon, restaurée au XIe siècle et dotée elle aussi d’un double déambulatoire.
En 1160, le premier prince-évêque de Genève, Arducius de Faucigny, entame la construction de l’actuelle cathédrale romano-gothique, étape qui s’étendra jusqu’à la fin du XIIIe siècle.
En 1232, l’édifice menace de ruine à la suite d’un arrêt des travaux à cause d’un désaccord entre l’évêque Aymon de Grandson et un dignitaire ecclésiastique. Celui-ci en informe le pape, mais les travaux ne reprennent pas. En 1234, l’archevêque de Vienne décide que l’évêque doit faire reprendre les travaux. Par la suite, la construction de la cathédrale s’achève presque à la fin du XIIIe siècle, à l’exception des tours.
Placée au cœur des conflits qui opposent les seigneurs locaux, la cathédrale devient une citadelle entre 1289 et 1300. L’office religieux cesse d’y être célébré et le bâtiment est endommagé par les pierres catapultées depuis le Bourg-de-Four et par les nombreux incendies qui ont lieu au XIVe siècle.
En 1441, une catastrophe détruit une partie de la cathédrale. Le mur septentrional de la nef s’effondre, entraînant dans sa chute les voûtes de la nef, écrasant la salle capitulaire et une partie du cloître. La majeure partie de la nef est reconstruite, excepté les grandes arcades et la travée I jusqu’au niveau des coursières de la claire-voie. Une partie de la voûte est également refaite. Dans le chœur des dommages importants sont remarqués, ceux-ci ayant dû être provoqués par un important mouvement d’est en ouest, puis de son retour. Les grands piliers du transept et du chœur réagissent avec élasticité ce qui a minimisé les dégâts dans cette part de la cathédrale. Seules les coursières de triforium et de la claire-voie et les claveaux des arcs formerets se sont effondrés ou se sont décalés les uns par rapport aux autres. Pour la réfection, les responsables choisissent de remplacer les éléments les plus endommagés et en retaillant simplement le déplacés, ce qui n’a pas pris beaucoup de temps.
Le chœur, la croisée du transept et la travée I sont reconstruits en 1444 et le vaisseau central l’est en 1449.
Avec l’arrivée de la Réforme protestante, le destin de la cathédrale change brutalement. Le 8 août 1535, Guillaume Farel y prêche la Réforme pour la première fois devant une foule immense. C’est l’après-midi de ce même jour, durant les vêpres, que des iconoclastes dévastent la cathédrale en y brisant les statues, en détruisant tout le mobilier, les ornements liturgiques et les vases sacrés et en lacérant les images ou en badigeonnant les scènes historiées qui n’étaient pas en conformité avec le nouveau culte réformé. À la suite de cet événement, le Conseil décide, le 10 août 1535, de suspendre la messe provisoirement. Cette précaution ne sera en réalité pas relevée, et la messe sera ainsi abolie. La Réforme sera officielle à Genève le 21 mai 1536. Par ailleurs, durant 23 ans, Jean Calvin y lit et explique les Saintes Écritures.
Lors des révolutions de Genève, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, la cathédrale est le théâtre de troubles importants et sert de dépôt de munitions. Un tribunal révolutionnaire, donnant à la cathédrale le nom de Temple des Lois, y est mis en place en 1794 et les cultes n’y sont plus célébrés jusqu’à l’occupation française de 1798.
De 1878 à 1888, sous la direction de l’architecte Louis Viollier, des travaux en sous-sols et une restauration de la chapelle des Macchabées sont exécutés. Des travaux supplémentaires en sous-sols et la restauration de la cathédrale sont exécutés de 1890 à 1901.
Après la séparation de l’Église et de l’État en 1907, le bâtiment devient propriété de l’Église protestante de Genève.
Des travaux de restauration sont entrepris en 1973 suivis de travaux archéologiques en 1976.
Architecture extérieure
La cathédrale subit de nombreuses modifications à la suite de travaux de restauration et de reconstruction, des guerres et des incendies successifs. Au fil du temps, les ajouts et les rénovations ont modifié l’intérieur et l’extérieur du bâtiment. À l’extérieur, les changements les plus visibles, sinon les plus importants, sont certainement la construction de la tour sud, l’ajout du portique, l’adjonction de la chapelle des Macchabées, expression du gothique flamboyant réalisée vers 1400-1405 à l’initiative du cardinal Jean de Brogny, la reconstruction de la tour nord et la mise en place de la flèche est plus moderne, elle date de 1895.
Au XVIIIe siècle, comme la partie occidentale de l’édifice menaçait ruine, la décision est prise de substituer une façade néoclassique à la façade romane. Elle fut réalisée sur les plans de l’architecte Benedetto Alfieri entre 1752 et 1756.
En général, l’extérieur présente une confusion de styles : une église romane avec une façade comprenant des colonnes néoclassiques, deux tours carrées qui ne sont pas identiques et enfin un clocher moderne qui s’élève par-dessus le tout.
Le premier carillon de la cathédrale date de 1749. Il comportait alors huit cloches. Restauré en 1850 puis à nouveau en 1897, il cesse définitivement de fonctionner en 1930. Le carillon actuel fut construit en 1931 en collaboration par la fonderie Rüetschi, d’Aarau, et la maison Paccard, d’Annecy-le-Vieux. Jusqu’en 2011, il comportait 19 cloches. Depuis, il en compte 37.
Architeture intérieure
Construite pour le rite catholique, l’avènement de la Réforme, avec sa philosophie d’austérité bouleverse l’intérieur de l’édifice, le vidant de tout ornement et recouvrant les décors polychromes du Moyen Âge. Les dernières œuvres d’art qui ont orné cette cathédrale, à l’origine entièrement peinte à l’intérieur, incluent le premier tableau de paysage réaliste : le retable de Konrad Witz (1444) avec une représentation de la rade de Genève comme cadre de la pêche miraculeuse avec le Christ et saint Pierre. Ce tableau est maintenant au Musée d’Art et d’Histoire.
datant du XVe siècle, possèdent des miséricordes fascinantes. Celles-ci ont survécu, car elles n’étaient pas dans la cathédrale à ce moment-là, elles proviennent de la Chapelle des Florentins (aujourd’hui détruite). Une partie du mobilier a aussi été épargné, car leur destruction aurait été alors coûteuse en réparations.
La nef est austère, mais présente un mélange plaisant d’architecture romane et gothique. On y retrouve le plus vaste ensemble de chapiteaux romans et gothiques de Suisse tandis que les vitraux remontent aux travaux de restauration du XIXe siècle.
La chapelle des Macchabées
Anciennement appelée « chapelle de la Vierge », elle devient chapelle des Macchabées en raison de la présence possible de reliques des frères Macchabées. La construction de la chapelle est décidée en 1397 et sa construction débute en 1406 et est achevée en 1411. Son commanditaire, le cardinal Jean de Brogny la conçoit comme une chapelle funéraire. Après sa mort en 1426, son tombeau, aujourd’hui disparu, est l’oeuvre du sculpteur bourguignon Jean Prindale. L’orgue se trouve probablement à l’emplacement probable du tombeau du cardinal.
Le style architectural de cette chapelle était, lors de sa réalisation, dans le plus pur style du gothique flamboyant. La Réforme transforma cette chapelle en entrepôt puis, du XVIIe au XIXe siècle, elle accueille des salles de classe sur trois étages créés dans cette optique. Au XIXe siècle, la chapelle récupère le statut d’édifice religieux. En 1878, une vaste campagne de rénovation est entreprise rendue nécessaire par les adaptations architecturales et artistiques peu respectueuses des siècles précédents.
Les derniers vestiges encore en état de conservation sont des fresques représentant des anges musiciens. Conservées au Musée d’art et d’histoire, elles sont remplacées par des copies à l’identique réalisées par Gustave de Beaumont. Les vitraux datent de la même époque. Enfin, la chapelle comporte un grand nombre d’éléments rappelant la Réforme dans son aspect politique: écussons de cantons combourgeois, symboles héraldiques de Genève, etc. Elle abrite l’autel de Saint-Pierre exécuté par Konrad Witz en 1444. À la Réforme, cet autel fut épargné.
La chapelle constitue depuis sa restauration un très bel exemple de style néogothique.